DÉFINITION

Il n’existe pas une mais des énurésies de l’enfant. Ethymologiquement, énurésie veut dire uriner sur soi.

POINTS FORTS

1er point : Il faut distinguer 2 types d’énurésie : énurésie diurne et nocturne.
2e point : L’énurésie nocturne est de loin la plus fréquente.
3e point : Elle est l’objet habituel de la préoccupation des parents.

L’énurésie nocturne se définit classiquement par une perte involontaire d’urine, d’origine fonctionnelle, survenant durant le sommeil.

Elle correspond donc à la principale préoccupation des parents qui consultent parce que leur enfant « fait pipi au lit la nuit ou pendant la sieste ».

L’énurésie est un trouble fonctionnel et l’on doit d’emblée exclure toute perte d’urine liée à une maladie organique et notamment neurologique. L’énurésie est dite primaire si elle évolue sans aucune période de sécheresse. Au contraire, elle est dite secondaire lorsqu’elle apparaît après une période de contrôle mictionnel de plusieurs mois.

L’association américaine de psychiatrie retient 4 critères pour parler d’énurésie :

-Miction répétée diurne ou nocturne au lit ou dans les vêtements, involontaire

-Survenue au moins 2 fois par mois chez les enfants de 5-6 ans et une fois par mois chez les enfants plus âgés.

-Enfant d’âge chronologique d’au moins 5 ans

-Miction non due à un trouble physique tel que diabète, infection des voies urinaires ou convulsions

D’OÙ CELA VIENT-IL ?

Les facteurs responsables des énurésies sont nombreux et pour certains encore mal connus. Ils sont bien souvent intriqués et rendent parfois difficile le traitement.

L’hérédité est un facteur déterminant. Lorsque les deux parents ont été énurétiques, le trouble touche environ 80% des enfants. Cette proportion tombe à 40% si un seul des parents a été énurétique et à 15% quand aucun des parents était touché.

FACTEURS PSYCHOLOGIQUES

Ils sont toujours présents et souvent perceptibles dès le premier contact avec l’enfant.

L’énurésie secondaire est souvent déclenchée par un facteur émotionnel : naissance d’un petit frère ou d’une petite sœur, angoisse scolaire, séparation, surmenage, deuil, bouleversements familiaux, …

De même, les conséquences psychologiques secondaires de l’énurésie sont constantes. On connaît les sentiments de honte, de rejet et de repli sur soi de l’énurétique ; au contraire, les premiers bons résultats du traitement peuvent constituer un encouragement et restaurer une confiance en soi.

Ces facteurs psychologiques sont parfois prédominants et imposent alors de prendre l’avis d’un pédopsychiatre.

FACTEUR VÉSICAL : L’IMMATURITÉ VÉSICALE

La vessie du petit enfant est une vessie dite automatique c’est-à-dire qu’elle se contracte dès que la pression intra-cavitaire dépasse une valeur seuil pour une capacité faible qui augmente progressivement ; c’est pourquoi le nourrisson urine souvent sans contrôle. Cette vessie hypersensible va progressivement subir une maturation avec développement d’un contrôle mictionnel. Ceci se déroule durant la phase d’acquisition de la propreté où petit à petit l’enfant va reconnaître le besoin d’uriner, le contrôler et le signaler. Parfois le besoin d’uriner est ressenti comme impérieux et entraîne une émission d’urines que le sphincter contrôle mal. Cette phase d’acquisition de la propreté se termine en général entre 2 ans et 3 ans. Néanmoins, ce processus de développement du contrôle mictionnel peut dans certains cas prendre plus de temps et/ou être incomplet. Il se manifeste alors par une énurésie nocturne. Chez l’enfant endormi profondément, en effet, l’impériosité et le besoin d’uriner ne suffisent pas toujours à le réveiller. La vigilance, responsable de la réaction sphinctérienne de contrôle, fait défaut et l’hyperactivité vésicale entraîne l’inondation.

La guérison spontanée fréquente de l’énurésie est en partie expliquée par la maturation plus tardive de l’activité vésicale avec diminution progressive de l’hyperactivité vésicale.

FACTEUR SOMMEIL

Survenant par définition la nuit, l’énurésie nocturne a de toute évidence des rapports très étroits avec le sommeil. Ce dernier se décompose en plusieurs cycles qui débutent toujours par une phase de sommeil lent et profond qui précède une phase de sommeil dit paradoxal, plus léger, où surviennent les rêves. Ces cycles se succèdent au cours de la nuit avec une diminution de la durée du sommeil lent au profit du sommeil paradoxal qui prédomine en deuxième partie de nuit.

L’épisode d’énurésie survient souvent en première partie de nuit, parfois rapidement et peut se reproduire plusieurs fois dans une même nuit. Il débute en général au cours du sommeil lent et profond par une élévation brutale ou progressive de la pression vésicale. Il s’accompagne toujours d’un allègement du sommeil.

Il semble donc que l’élévation de pression vésicale n’est pas capable de réveiller à temps l’enfant énurétique qui se trouve en phase de sommeil profond. Une des solutions thérapeutiques proposées est l’allègement du sommeil qui abaisse le seuil d’éveil et permet ainsi de prévenir la fuite d’urines en favorisant le lever nocturne pour uriner.

FACTEUR HORMONAL : DÉFAUT DE SÉCRÉTION DE L’HORMONE ANTIDIURÉTIQUE (ADH)

Certaines énurésies sont expliquées par un défaut de sécrétion d’hormone antidiurétique. Celle-ci contrôle la production d’urines et un manque de sécrétion peut se traduire par une élévation de la production nocturne d’urine qui va dépasser la capacité fonctionnelle de la vessie. Il s’en suit une augmentation du nombre et du volume des mictions qui explique ces énurésies et l’efficacité d’un médicament qui est un analogue de l’ADH (Minirin ®).

COMMENT CELA FONCTIONNE-IL ?

L’énurésie peut prendre différents aspects cliniques qui ont tous en commun une émission d’urine non maîtrisée.

L’énurésie est née avec l’humanité et il serait faux de croire qu’il s’agit d’une affection de la vie moderne. Elle a été décrite pour la première fois en 1500 avant JC, puis par des auteurs célèbres : Aristote, Pline l’ancien, … et plus récemment Rousseau et Rimbaud.

L’énurésie peut se manifester de manière variable :

Il peut s’agir d’un petit garçon de 7 ans qui mouille régulièrement ses draps depuis sa naissance témoignant d’une énurésie nocturne primaire.

Une petite fille de 10 ans fait pipi au lit et le jour présente des petites fuites d’urines lorsqu’elle a un fou rire témoignant de l’association d’une énurésie nocturne primaire avec une énurésie diurne qui se manifeste lors d’un paroxysme émotionnel.

L’énurésie nocturne peut être secondaire par exemple lorsqu’elle se manifeste chez un adolescent de 15 ans qui se met à uriner la nuit après un drame familial.

Néanmoins, l’énurésie nocturne est très souvent d’évolution favorable avec un très fort taux de guérison spontanée. À l’heure actuelle, environ 8 à 12% des enfants de plus de 5 ans sont énurétiques la nuit (dont 60% de garçons) ; seuls 1 à 3% d’entre eux le resteront après l’âge de 20 ans. Le taux annuel de guérison spontanée est de l’ordre de 15% entre 5 et 19 ans. Ceci relativise donc la gravité du symptôme et les éventuels échecs thérapeutiques.

QUELS SONT LES FACTEURS AGGRAVANTS ?

En dehors des facteurs décrits plus haut qui sont mis en cause dans la genèse de l’énurésie notamment nocturne, d’autres circonstances peuvent accompagner ce symptôme.

LA CONSTIPATION

Fréquemment associée à l’énurésie, elle doit faire rechercher des troubles de l’éducation sphinctérienne : refus du pot, toilettes mal adaptées, attitude parentale trop permissive ou au contraire trop coercitive.

L’ENCOPRÉSIE

Trouble de la maîtrise sphinctérienne se caractérisant par une défécation involontaire après l’âge de 3 ans, elle est rare mais souvent associée à une énurésie.

LES COMPORTEMENTS PSYCHOMOTEURS ANORMAUX

Il s’agit surtout de la débilité et de l’infantilisme moteurs.

FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX

Il a été mis en évidence un certain nombre de facteurs liés à l’environnement associés à l’énurésie :

-Le type d’habitat : plus de 4 personnes par pièce

-Le pays d’origine : Moyen-Orient, Amérique centrale

-Une fratrie nombreuse, supérieure à 2

-Des parents contraignants ou passifs pour l’acquisition de la propreté

-Des troubles du sommeil, du langage et du comportement

-Une hospitalisation néo-natale.

QUELLE HYGIÈNE DE VIE ?

Certaines précautions d’hygiène de vie peuvent êtres indiqués pour améliorer le confort de l’enfant.

Le dénominateur commun des mesures simples proposées est l’instauration d’une relation de confiance entre l’enfant, son entourage et le médecin en charge du traitement.

Il faut tout d’abord que l’enfant prenne conscience du symptôme et accepte de collaborer avec son médecin pour trouver une solution thérapeutique adaptée. La tenue quotidienne d’un carnet par l’enfant pour consigner les épisodes énurétiques et les éventuelles améliorations.

Il faut éviter de se surcharger en boissons le soir après 18 heures et vider sa vessie au dernier moment avant l’endormissement. Il faut absolument bannir le port des couches qui, même si elles peuvent être utiles l’hiver pour éviter de prendre froid, retardent les progrès.

Chez certains enfants qui ont des fuites à heures fixes, un lever nocturne préventif peut être proposé.

Il est conseillé aux parents de dispenser quelques récompenses dès les premiers progrès.

QUEL TRAITEMENT PROPOSER ?

Les traitements s’adressent aux différents facteurs prépondérants que l’on met en évidence chez l’énurétique. Ces facteurs étant souvent intriqués, les traitements sont parfois associés.

POINTS FORTS

1er point : Association thérapeutique fréquente.
2e point : Traitement proposé seulement après l’âge de 5 ans.
3e point : Evolution souvent spontanément favorable de l’énurésie avec l’âge.

Les parents amènent souvent très tôt, avant l’âge de 3 ans, leur enfant en consultation pour une énurésie. Il faut alors simplement par un interrogatoire et un examen clinique éliminer une affection organique. Un traitement n’est proposé qu’en cas de persistance du symptôme après l’âge de 5 ans.

Les traitements sont spécifiques et prennent pour cible chacun des facteurs mis en cause dans l’énurésie.

Les facteurs psychologiques sont confiés au psychothérapeute.

Le facteur d’immaturité vésicale est spécifiquement traité par un médicament issu de la classe thérapeutique des anticholinergiques. La molécule la plus fréquemment utilisée est l’oxybutinine. Cette molécule agit efficacement en maintenant une pression vésicale de remplissage basse. Ce produit a néanmoins une efficacité limitée dans le temps qui dans certains cas ne permet pas de protéger l’enfant toute la nuit. Les épisodes énurétiques sont alors déplacés en fin de nuit générant une impression d’échec thérapeutique. Il est alors nécessaire d’y associer un produit efficace sur les troubles de fin de nuit, la DDAVP (cf. plus loin).
On peut parfois y associer une rééducation périnéo-sphinctérienne à condition que l’enfant soit suffisamment grand pour comprendre un minimum d’informations anatomiques et physiologiques sur son trouble. Elle consiste en un renforcement du plancher périnéal par des exercices particuliers associé à une gymnastique mictionnelle avec interruption du jet.

Le facteur sommeil est plus délicat à traiter. Le but du traitement est d’alléger le sommeil afin que la stimulation vésicale permette à l’enfant soit de se lever pour uriner soit de se retenir.

– Les alarmes : il s’agit d’une méthode de conditionnement, le « stop pipi » qui signale, par une sonnerie, à l’enfant lorsque survient une fuite d’urine. L’enfant se réveille, se lève, complète sa miction , change ses draps et se recouche après avoir re disposé l’appareil. Cette méthode semble donner de bons résultats, jusqu’à 60% de guérison, à condition d’être bien acceptée par l’enfant.

– Les antidépresseurs tricycliques dont l’imipramine (Tofranil ®) ou la clomipramine (Anafranil ®) sont utilisés avec efficacité en permettant une suspension des fuites par un allègement du sommeil en deuxième partie de nuit. Ce sont néanmoins des médicaments dangereux avec de nombreux effets secondaires qui sont à utiliser avec parcimonie chez l’enfant. Il faut en fait les réserver uniquement au traitement des cas rebelles de manière temporaire chez les enfants de plus de 6 ans.

Le facteur hormonal c’est-à-dire la diminution de la sécretion d’hormone antidiurétique (ADH) responsable d’une augmentation de la production d’urine la nuit est au mieux traité par une molécule la DDAVP qui est un analogue de l’ADH. Elle est donnée le soir à faible dose. Agissant surtout en deuxième partie de nuit, elle peut efficacement compléter un traitement par anticholinergique lorsqu’il y a une composante d’immaturité vésicale.

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FOIRE AUX QUESTIONS

Question : L’énurésie est-elle fréquente ?

Réponse : L’énurésie nocturne concerne environ 8% à 12% des enfants de plus de 5 ans. Dans une enquête de médecine scolaire réalisée en 1990 sur plus de 53 000 enfants de plus de 6 ans, 7% d’entres eux faisaient pipi au lit, de façon régulière dans 60% des cas ; 60% étaient des garçons.

Question : Mon enfant a une énurésie nocturne, est-ce irréversible ?

Réponse :NON. Parmi les enfants énurétiques, seuls 1% à 3% d’entre eux vont le rester après 20 ans. Il y a donc beaucoup de guérisons spontanées, ce qui relativise l’intérêt d’un traitement de l’énurésie. Le taux de guérison spontanée est de l’ordre de 15% par an entre 5 ans et 19 ans.

Question : J’ai eu dans l’enfance une énurésie nocturne. Mon enfant risque t-il d’être touché ?

Réponse : C’est possible car l’hérédité est un facteur déterminant. Lorsqu’ aucun des parents n’a été énurétique, le risque pour l’enfant d’avoir une énurésie est de 15%. Ce risque passe à 45% si un des parents était énurétique et à presque 80% lorsque les deux parents étaient énurétiques. De même, chez les enfants jumeaux homozygotes (vrais jumeaux), le risque pour que l’énurésie touche les deux enfants lorsqu’un des deux est touché est de 70%.

Question : Mon enfant a 3 ans et fait encore pipi au lit. Dois-je m’inquiéter et dois-je envisager un traitement ?

Réponse : NON. L’acquisition de la propreté est variable dans le temps et peut se faire jusqu’à 5 ans. Néanmoins, beaucoup de parents amènent leur enfant en consultation dès 3 ans. Notre société exige en effet des enfants propres de plus en plus tôt ! Il ne faut de toute façon envisager un traitement qu’après 5 ans, puisque ç’est à partir de cet âge qu’on peut parler d’énurésie.