QU’EST-CE QUE C’EST ?

Le prolapsus génital est une affection féminine. Il se définit par une saillie des organes pelviens (vessie, utérus, rectum) à travers la fente uro-génitale à la partie antérieure du plancher pelvien.

À la différence de l’homme dont les organes pelviens sont fixes, la présence de la fente uro-génitale chez la femme constitue une zone de faiblesse et nécessite une statique particulière des organes pelviens compte tenu de la position érigée de l’homo. Toute défaillance dans cette statique se manifeste par une saillie isolée ou associée de la vessie, de l’utérus et-ou du rectum. Cette saillie ou ptose se produit au repos ou surtout lors de la poussée abdominale.

Elle est classée en 3 degrés en fonction de l’importance de la descente de l’organe :

1er degré : l’organe reste en deçà de la vulve (descente à mi-vagin).
2e degré : l’organe affleure la vulve.
3e degré : l’organe dépasse la vulve (prolapsus extériorisé).

D’OÙ CELA VIENT-IL ?

Le développement d’un prolapsus génital suppose une modification de la statique pelvienne. Cette dernière peut être perturbée dans de nombreuses circonstances qui sont donc toutes potentiellement source de prolapsus génital.

Les facteurs responsables d’un trouble de la statique pelvienne sont acquis ou congénitaux.

FACTEURS ACQUIS

Le traumatisme obstétrical

L’accouchement entraîne transitoirement une modification notable des éléments de suspension et de soutènement des organes pelviens. Il est parfois source de rupture des tissus et des ligaments, de déchirure des muscles releveurs de l’anus. C’est souvent dès le premier accouchement que les dégâts se produisent. L’accouchement d’un gros enfant, l’accouchement en force, trop rapide, l’utilisation d’instruments type forceps sont autant de sources de délabrements qui font le lit du prolapsus. Celui-ci apparaît rarement dans les suites immédiates de l’accouchement mais le plus souvent à distance après la quarantaine.

L’âge, la période après la ménopause

C’est à cette période de la vie que se développe une carence hormonale notamment en œstrogènes. Ces hormones jouent un grand rôle dans la trophicité des tissus et des ligaments, notamment ceux qui participent au système de suspension des organes pelviens. Il s’y ajoute les effets du temps, de la sénilité tissulaire et de la chute du tonus musculaire. Tout cela explique que les prolapsus génitaux se révèlent souvent à un âge avancé.

Les causes iatrogènes

Les interventions chirurgicales pelviennes et notamment les techniques d’hystérectomie totale ou sub-totale (laissant en place le col utérin) peuvent perturber les éléments de suspension des organes pelviens et principalement ceux de la vessie. Un prolapsus vésical (cystocèle) peut donc survenir secondairement.

FACTEURS CONGÉNITAUX

Les prolapsus congénitaux sont fréquents et sont liés à des conformations anatomiques particulières qui favorisent lors des efforts de poussée l’élongation du système de suspension des organes pelviens. Il apparaît donc à la longue un prolapsus génital intéressant la vessie (cystocèle), l’utérus (hystérocèle) et-ou le rectum (rectocèle) à des degrés divers. Ceci explique la survenue possible de prolapsus chez la femme âgée n’ayant pas eu d’accouchement (nullipare) souvent favorisé par la carence œstrogénique de la période post-ménopausique.

COMMENT SE DÉVELOPPE UN PROLAPSUS ?

La survenue d’un prolapsus génital est la conséquence d’un trouble de la statique pelvienne intéressant la vessie, l’utérus et-ou le rectum. Une étude clinique (interrogatoire, examen clinique) et des examens complémentaires sont indispensables pour prévoir un traitement adapté

1er point : Qualifier et classer le prolapsus par un examen clinique rigoureux

2e point : Rechercher l’existence d’une incontinence d’urines associée

3e point : Apprécier les facteurs de risques associés qui conditionnent le traitement

C’est une défaillance des moyens de fixité des organes pelviens qui entraîne un prolapsus génito-urinaire. Sa reconnaissance est en général facile particulièrement dans les formes importantes, au point que la femme fait elle-même le diagnostic sous le terme imagé de « descente d’organes ». Il faut néanmoins un examen clinique rigoureux pour évaluer toutes les composantes du prolapsus, son éventuelle association à une incontinence d’urine, de manière à proposer le traitement le plus approprié.

MOYENS DE FIXITÉ DES ORGANES PELVIENS

Les moyens de fixité distinguent les moyens de suspension et un système de soutènement des organes pelviens féminins.

– Les moyens de suspension comprennent un système d’amarrage antérieur, latéral et postérieur. Ils sont constitués de ligaments qui maintiennent en avant la vessie (ligaments pubo-vésicaux, fascia ombilico-prévésical, ouraque pour la vessie, ligaments ronds pour l’utérus) ; latéralement ce sont des lames tendineuses qui vont du pubis au sacrum ; les ligaments vésico-génitaux et utéro-sacrés viennent fixer les organes en arrière.

– Le système de soutènement est constitué des muscles du plancher pelvien et le centre tendineux du périnée, élément de soutènement très puissant situé à la face postérieure du vagin.

Ces différents moyens de fixité permettent, lors de la poussée abdominale, de verrouiller la descente de la vessie et de l’utérus vers la fente uro-génitale.

COMMENT FAIT-ON LE DIAGNOSTIC ?

L’ÉTUDE CLINIQUE

Elle se base sur l’interrogatoire et l’examen clinique :

Interrogatoire

Il est capital et s’intéresse :

– À la date de survenue des troubles, notamment par rapport aux accouchements ou la ménopause.

– La gène fonctionnelle ressentie par la patiente et le retentissement du prolapsus sur sa vie quotidienne.

– L’existence ou non d’une incontinence d’urines associée.

– La notion d’interventions gynécologiques antérieures.

L’examen clinique

Il s’agit d’un examen gynécologique approfondi et rigoureux qui doit mettre en évidence toutes les composantes du prolapsus. Il est donc pratiqué sur une patiente en position gynécologique à l’aide de valves permettant d’explorer les différentes parois du vagin.

L’exploration de la paroi antérieure du vagin à l’aide d’une valve refoulant la paroi vaginale postérieure au repos et à l’effort de poussée permet de quantifier l’importance du prolapsus vésical (cystocèle). La mise en place d’un spéculum et la préhension du col utérin à l’aide d’une pince dite de Pozzi évalue l’importance du prolapsus utérin (hystéroptose). L’examen de la paroi postérieure du vagin à l’aide d’une valve recherche deux composantes du prolapsus : d’une part une hernie du cul-de-sac péritonéal de Douglas dans la cloison recto vaginale appelée élytrocèle, d’autre part le degré de prolapsus du rectum (rectocèle). On recherche une incontinence d’urine en demandant à la patiente de tousser, en position allongée puis debout ; cette recherche doit également être faite à prolapsus réduit pour démasquer une incontinence masquée par le prolapsus.

Cet examen est complété par une appréciation de la trophicité de la vulve, de la tonicité et la contractilité des muscles du périnée (cotation des muscles releveurs de l’anus) et un toucher rectal évaluant la tonicité du sphincter anal.

Au terme de cet examen, une classification du prolapsus génital est proposée conformément à la définition (cf. définition) tenant compte des 6 paramètres suivants :

Cystocèle (cotée de 0 à 3)

Hystéroptose (0-3)

Rectocèle (0-3)

Elytrocèle (+, -)

Incontinence urinaire d’effort (+, -)

Muscles releveurs de l’anus (cotation 1 à 5)

Ils permettent de dresser ainsi une véritable fiche d’identité du prolapsus.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Ils ne sont pas indispensables au diagnostic de prolapsus, mais sont utiles rechercher une lésion associée avant de proposer un traitement.

Frottis vaginal

Il doit être systématique et permet d’éliminer un cancer du col utérin ou de l’endomètre.

Examen CytoBactériologique des Urines (ECBU)

Il élimine une infection urinaire associée.

Échographie rénale et pelvienne

Elle renseigne sur le volume utérin et sur le retentissement du prolapsus sur l’appareil urinaire (dilatation rénale, résidu vésical post-mictionnel). En cas de doute, une Urographie IntraVeineuse est pratiquée.

Bilan urodynamique

Il comporte une débimétrie, une cystomanométrie et une uréthromanométrie. Il permet d’évaluer précisément les mécanismes de la continence urinaire et de l’éventuelle incontinence associée.
Au terme de cette étude clinique et des examens complémentaires une prise en charge thérapeutique peut être proposée.

QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE ?

Les facteurs de risques locaux de survenue d’un prolapsus génital sont ceux qui agissent sur les systèmes de suspension et soutènement des organes pelviens. Ils peuvent être associés ou non à des facteurs de risques généraux.

LA MULTIPARITÉ

Un nombre élevé d’accouchements par le traumatisme obstétrical répété est un facteur notable de survenue d’un prolapsus génital ultérieur. Ceci est favorisé par des accouchements délabrants, trop rapides, réalisés par de personnes non préoccupées de prévention périnéale (population sous développées).

L’OBÉSITÉ

La surcharge pondérale est un facteur de risque de prolapsus génital par la traction qu’elle exerce sur les éléments de suspension des organes pelviens.

LES HYSTÉRECTOMIES

Les interventions sur l’utérus sont susceptibles de favoriser la survenue d’un prolapsus et notamment d’une cystocèle (prolapsus vésical) car elles peuvent léser les éléments antérieurs de suspension de la vessie. La technique dite de l’hystérectomie intra-fasciale a pour but de préserver ces ligaments de soutien et ainsi d’éviter la cystocèle secondaire.

FACTEURS DE RISQUES GÉNÉRAUX

L’existence d’une maladie métabolique type diabète peut aggraver un prolapsus génital par les atteintes nerveuses du petit bassin qu’elle peut entraîner.

Un trouble cardiaque et-ou pulmonaire, une arthrose de la hanche peut rendre délicat un traitement chirurgical et impose une autre modalité thérapeutique (rééducation, médicaments, …).

QUELLE HYGIÈNE DE VIE POUR L’ÉVITER ?

L’hygiène de vie dans le domaine du prolapsus génital a pour but de tenter d’en prévenir la constitution.

1er point : Prévention obstétricale
2e point : Prévention lors d’interventions chirurgicales pelviennes
3e point : Prévention rééducative et hormonale

La prévention du prolapsus est-elle possible ? Pour répondre à cette question, il faut revoir des différents facteurs étiologiques du prolapsus et comprendre les possibilités d’action sur ces facteurs.

FACTEUR CONGÉNITAL

L’action préventive à ce niveau est rarement possible. Elle repose essentiellement sur la rééducation des muscles périnéaux. Il faut ici insister sur cette rééducation après l’accouchement. En post-partum, il faut en effet commencer par pratiquer une rééducation périnéale pour tonifier les muscles du périnée qui ont été traumatisés par l’accouchement. Elle permet également de lutter contre l’incontinence urinaire qui peut exister durant cette période et qui est le plus souvent transitoire. Cette rééducation doit être pratiquée avant d’envisager une rééducation des muscles abdominaux dont le but est de récupérer « la ligne ». Malheureusement cette dernière est souvent la première préoccupation des femmes qui viennent d’accoucher et lorsque la rééducation abdominale est pratiquée la première sur un périnée faible et traumatisé, elle aggrave la détérioration des moyens de suspension et de soutènement des organes périnéaux par l’augmentation de pression abdominale qu’elle entraîne. Il ne faut donc la pratiquer qu’une fois le périnée tonifié.

FACTEUR TRAUMATIQUE

Facteur traumatique obstétrical

Lors de l’accouchement, la prévention de la déchirure du centre tendineux du périnée et des muscles releveurs de l’anus passe par la réalisation d’une section chirurgicale franche appelée épisiotomie lors du la descente de l’enfant à travers la filière génitale. Elle doit être pratiquée par un professionnel au bon moment pour éviter toute déchirure.

Facteur traumatique chirurgical

Les interventions sur les organes pelviens et en particulier les hystérectomies totales ou sub-totales altèrent parfois les moyens de fixité des organes pelviens. La prévention de ce traumatisme passe donc par la réalisation de techniques chirurgicales notamment l’hystérectomie dite intra-fasciale qui préservent les moyens de suspension des organes pelviens.

ATROPHIE TISSULAIRE

On connaît le rôle néfaste sur l’atrophie tissulaire de la carence hormonale après la ménopause. Un traitement hormonal œstrogénique substitutif peut atténuer cet effet en association avec une rééducation périnéale dans le but de tonifier le plancher pelvien.

QUEL TRAITEMENT PROPOSER ?

Le traitement du prolapsus génital est essentiellement chirurgical. Un traitement médical n’est proposé qu’en cas de prolapsus minime ou de contre-indication chirurgicale.

TRAITEMENT MÉDICAL

Hormonothérapie

Elle est basée sur les œstrogènes appliqués par voie locale (Colpotrophine®, Trophigil®). Un traitement médicamenteux systématique de la ménopause est recommandé et d’autant plus efficace que commençé lors de son apparition.

Moyens mécaniques

Il s’agit de l’utilisation du pessaire qui est un anneau de caoutchouc de taille variable dont le but est de soutenir le prolapsus refoulé. Il est changé tous les 2 à 3 mois. C’est un moyen thérapeutique peu confortable, rarement proposé, que l’on réserve aux femmes qui ne peuvent supporter une intervention chirurgicale.

Rééducation

Elle associe une rééducation périnéale à une stimulation électrique par voie vaginale (physiothérapie). Ce traitement ne permet pas de refouler le prolapsus ; il permet uniquement de diminuer la gène et la pesanteur induite par le prolapsus et ainsi de différer un traitement chirurgical. Cette rééducation peut également permettre d’améliorer une incontinence d’urines associée.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Le traitement du prolapsus génito-urinaire est essentiellement chirurgical. Il peut s’effectuer par voie haute (abdominale), basse (vaginale) ou par voie mixte. Depuis peu, la voie haute peut être pratiquée par cœlioscopie. Le choix de la voie d’abord dépend du bilan des organes prolabés, de l’état général et de la vie génitale de la patiente, des habitudes des équipes chirurgicales. Il est important d’envisager le traitement de l’ensemble des organes touchés d’où la nécessité de faire un bilan initial complet. Le traitement, par exemple, d’une cystocèle sans traiter l’hystéroptose associée n’est pas logique car il fait courir le risque d’une aggravation du prolapsus utérin et de troubles urinaires.

Au total, la chirurgie dans la majorité des cas donne un résultat anatomique et fonctionnel satisfaisant sur le long terme. Elle doit plutôt être proposé après la ménopause quand les modifications tissulaires se sont stabilisées.

BIBLIOGRAPHIE (NON EXHAUSTIVE)

Réf. 1 :

Titre : Le prolapsus génital et son traitement

Auteur : BARRAT J, PIGNE A, MARPEAU L

Éditeur : Masson et., Paris, 1988.

Réf. 2 :

Titre : Urologie

Auteur : GUILLONNEAU B, VALLANCIEN G

Éditeur : Collection Inter Med, Doin Ed, Paris, 1999

Réf. 3 :

Titre : Cystocèles vaginales

Auteur : TESQUIER L

Éditeur : Encycl. Med. Chir (Paris, France), Rein, 18218 A10, 1982.