La loi de 2002, dite loi Kouchner, a introduit plusieurs modifications dans la relation médecin-malade :

– Alors que jusque là il revenait au patient de démontrer la faute du praticien, la loi a inversé la preuve de la faute et a imposé que ce soit à ce dernier de démontrer qu’il a correctement informé son patient des risques et complications possibles du traitement proposé.

– Elle a introduit la notion d’aléa thérapeutique, c’est à dire qu’en cas de complication, même si aucune faute médicale n’a été commise ni démontrée, le patient peut s’adresser à une Commission Régionale de Conciliation et d’Indemnisation (CRCI) dans l’espoir d’obtenir une compensation financière.

À partir de cette modification législative on pouvait craindre une envolée des demandes de réparations lors d’un recours à la chirurgie et une importante judiciarisation de la profession. Celle-ci a eu partiellement lieu puisque les tarifs d’assurance en Responsabilité Civile Professionnelle (RCP) des chirurgiens a augmenté de 115% en dix ans. En Urologie, selon le Pr Alain Hærtig, urologue à l’Hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris et expert agrée par la cour de cassation, le nombre de plaintes formulées à l’encontre de leur urologue par les patients est de l’ordre d’une centaine par an et stable dans le temps. Seules 20% d’entre elles aboutissent à des dossiers de responsabilité.

Les plaintes concernent dans 80% des cas des complications postopératoires qui ne sont en aucun cas liées à des fautes imputables aux praticiens. Bon nombre d’entre elles concernent la survenue de fistules (communication entre deux organes avec émission d’urine inappropriée) qui peuvent handicaper la vie des patients pendant plusieurs mois. Fort heureusement, 8 fois sur 10, il s’agit de complications inévitables et le chirurgien n’a commis ni faute ni maladresse.

Lorsqu’un patient s’estime lésé après un acte thérapeutique deux voies de recours sont envisageables :

– Soit il désire une réparation judiciaire : Il porte plainte auprès du Tribunal de Grande Instance (TGI). Le juge en charge du dossier décide de sa recevabilité et en cas de réponse positive demande, pour étayer son


TGI


jugement, une expertise médicale pour déterminer les responsabilités. Celle-ci est conduite par un expert auprès des tribunaux choisi sur une liste d’aptitude et en général délocalisée par rapport au lieu d’exercice du praticien et/ou de l’établissement concerné pour éviter toute influence locale. Un rapport d’expertise est alors rendu déterminant la (les) responsabilités du (des) praticien (s) et/ou de l’établissement de soins ou l’absence de faute. Les conclusions de l’expertise sont dans la grande majorité des cas suivies par le juge qui rend ainsi son jugement. Celui-ci peut conduire à la détermination de dommages ouvrant droit à une indemnisation si une faute est démontrée.

– Soit il désire une compensation financière : il dépose un dossier auprès de la CRCI. Celle-ci mandate un expert qui procéde à un examen des faits et rend un rapport. Celui-ci détermine également les responsabilités des uns et des autres et fixe une éventuelle incapacité permanente partielle (IPP) qui sert de base à une


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indemnisation. En cas d’aléa thérapeutique c’est-à-dire l’absence de faute du (des) praticiens mis en cause, seule une IPP ≥ 24% peut ouvrir droit à une indemnisation par un organisme public, l’ONIAM.

Les cas de faute avérée sont extrêmement rares. Elles sont alors dues le plus souvent à des indications opératoires mal posées dont les conséquences ont été mal évaluées. Elles peuvent être parfois être qualifiées de fautes « d’inattention » dans des circonstances inhabituelles (cystoscopie avec urines infectées, biopsies prostatiques sous anticoagulants, …). De toute façon, sur la centaine de dossiers de plainte déposées contre des urologues en France par an, seule un vingtaine se termine par une responsabilité reconnue du chirurgien.

Compte tenu des moyens actuels de diffusion, le maître mot de la relation médecin-malade est l’information. Celle-ci doit être la plus complète possible tant en ce qui concerne la prise en charge proposée avec ses avantages et inconvénients et les alternatives thérapeutiques que lors de la survenue de complications. Dans ce cas, en particulier, les patients et leur famille sont en attente d’explications complètes sur les circonstances de survenue et les moyens de remédier à la situation. Cette attente, génératrice d’angoisse et de reproches, doit être comblée sous peine de rupture de la relation de confiance entre le chirurgien et son patient.